Le nouvel impérialisme mondial américain – SLAVES NO MORE : 4/ MIT ODER OHNE PNAC ?

« Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous. Il n’y a pas de juste milieu ! » Voilà, certes résumé en un postillon plus ou moins articulé, le principe de base de la doctrine américaine vis-à-vis de l’Etranger. Exprimée de manière tantôt agressive, tantôt plus subtile, se traduisant ici et là par des coups d’Etat avortés (la baie des Cochons, à Cuba, par exemple), d’autres extraordinairement réussis (la mise à mort d’Allende et son remplacement par le ch(il)ien aux lunettes noires et au masque de fer, par exemple), des attentats et / ou assassinats divers et variés (au Pakistan, en Iran, en Belgique, en des temps pas si lointains ?), une telle conception du monde ne trahit-elle pas le peu d’assurance, l’infantilité morale et intellectuelle de ceux qui s’en réclament ? Ne constitue-t-elle pas un patent aveu d’incapacité, pour la jeune nation que sont les Etats-Unis, en termes relatifs, et une certaine catégorie de ses dirigeants en particulier, que ceux-ci officient devant les caméras ou dans l’ombre, à dépasser l’Œdipe ? Mettez à la disposition d’un enfant malaimé un arsenal militaire et paramilitaire (de renseignement), entourez-le de vizirs fourbes et obscènes, et vous obtenez… Qu’obtenez-vous, au fait ?…

Qui de Gore ou de Bushito aurait mené la présidence américaine la plus gore ? On ne le saura jamais… Y avait-il un agenda invariable ou la tragédie de 2001 était-elle destinée à une présidence, à une administration, en particulier ? Bien avant l’interminable contestation du résultat du vote en Floride, un panel d’experts conservateurs attitrés ou revendiqués, une espèce de think tank d’un genre particulier, avait coutume de se réunir aux fins d’examiner l’état du monde et les moyens dont disposaient les Etats-Unis pour le faire leur plus encore.

Regroupant notamment D. Rumsfeld, qui deviendrait ministre de la Défense sous le premier mandat du fils à, avant d’être contraint à un piteux retrait, D. Cheney, l’homme aux mille visages, tel que le définissait, dans les années 1980 déjà, Gil Scott Heron dans sa chanson “The Revolution Will Not Be Televised“, l’homme d’Halliburton, le contractant paramilitaire qui, avec Blackwater (devenu Academi l’an dernier)  et quelques autres, s’est fait des couilles en or en Irak et en Afghanistan, accessoirement vice-président (ou devrait-on écrire président faisant fonction ?), P. Wolfowitz, qui ferait, après le Pentagone, un bref passage à la Banque mondiale, dont il dut démissionner pour cause de chaussettes trouées, et une flopée de joyeux drilles tous plus compétents et souriants les uns que les autres. « Aucune morale, rien que des intérêts, des partenaires stratégiques plutôt que des alliés pour atteindre des objectifs nationalistes, si nécessaire par la force », voilà comment pourrait se résumer la philosophie conservatrice américaine du siècle dernier, qui a malheureusement éclos au début du siècle présent…

En 2000, deux penseurs de la troupe publiaient en effet un livre-événement :

… un livre dont la quatrième de couverture est sans ambages quant à ses objectifs et à ceux qu’il assigne aux Etats-Unis. La presse européenne a, dans sa majorité, accueilli ces réflexions conservatrices d’outre-Atlantique avec, pour le moins, une certaine circonspection. En voici quelques extraits particulièrement révélateurs :

« […] Durant les années 1990 […], au lieu de saisir un moment unique, les Etats-Unis se sont laissés aller à un désarmement moral et stratégique […] menant à une situation d’incertitude et de danger. […] Plus inquiétant encore est le déclin continu de la capacité militaire américaine et le refus de développer des systèmes de défense avancés. […] Les auteurs […] conviennent qu’ il est temps de se réarmer moralement, intellectuellement, ainsi que militairement. [Ce livre] invite les Etats-Unis à redéfinir qui sont ses adversaires et ses partenaires stratégiques, et à utiliser la force pour faire avancer ses intérêts et ses principes à l’étranger. [En tant que tel, il s’agit] d’une alarme réveil pour une nation complaisante. »

S’agissait-il donc, pour les USA, de s’inventer de nouveaux ennemis ?

Poursuivons notre lecture :

« Les conservateurs américains purent toujours compter sur les Européens, en particulier les conservateurs européens, pour leur apporter un soutien intellectuel afin de résister aux schémas de l’internationalisme abstrait. Toutefois, la situation actuelle se caractérise par le fait que les Européens – en ce compris maints conservateurs – courtisent souvent, pour des raisons assez  compréhensibles, les idées internationalistes. Tandis que nos alliés reconnaissent qu’ils ont besoin du pouvoir militaire américain, ils se rendent compte également que ce dernier est tellement disproportionnel au leur (ou à celui de quelque nation que ce soit) qu’il ne peut être égalé. »

(pp. 36-37)

Ouvertement cynique et d’une infinie arrogance pour ces infimes parties restantes du monde qui ne sont pas états-uniennes, le bouquin – dont, cette fois, je dois l’avouer, je n’ai lu que les bonnes feuilles (ce qui est suffisant, en l’occurrence, pour s’imprimer de son atmosphère et de ses lignes directrices, ainsi que de l’influence qu’il a pu avoir sur l’élaboration de la politique qui serait menée sous Bushito Premier) – énonce en près de cinq cent pages l’état des Etats-Unis dans le monde des années 1990, sous une présidence Clinton que ses auteurs jugent calamiteuse, et les moyens dont dispose et que ne devrait hésiter à utiliser, selon eux, leur pays pour rester – ou redevenir – number one. Vous noterez au passage que, sous les effets conjugués des coups de boutoir de la crise financière et du délai de transfert et d’application des idées entre officines spécialisées des deux côtés de l’Atlantique, l’internationalisme des Européens, en particulier celui des conservateurs, s’est depuis lors mâtiné de l’une ou l’autre réserve…

Après un chapitre intitulé « Russie, le défi d’une puissance en déclin » (Eltsine venait de passer le relais), voici ce que l’on peut lire dans la boule de Kristol (l’un des auteurs) à propos de la Chine :

« Pendant la décennie écoulée, le débat relatif à la politique étrangère des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine s’est concentré en priorité non sur la menace stratégique que fait peser la Chine sur les Etats-Unis, mais sur la répression des droits humains fondamentaux, qui un l’un des principaux outils du régime de Pékin pour demeurer au pouvoir. […] L’argument de « l’inévitable évolution » – selon lequel le commerce et les investissements des Etats-Unis favoriseront la croissance économique, laquelle, en retour, forcera a minima le régime à assouplir sa répression et, en fin de compte, à ouvrir la voie à la démocratie – est de moins en mois crédible. Ceci pour de bonnes raisons : après plus de deux décennies de croissance économique rapide, la Chine régresse aujourd’hui, elle ne progresse pas, dans le domaine des droits humains et des libertés politiques.

Pourtant, si les Etats-Unis ne peuvent pas directement faire grand-chose pour remplacer la dictature par la démocratie en Chine, nous pouvons faire énormément de choses indirectement pour saper le régime dictatorial de Pékin, et pour faire avancer des intérêts économiques et militaires américains concrets. »

(p. 69-70)

Need we write more ? « Tizza me da masta of da wol ! »

Peut-être les adversaires résolus des Etats-Unis  – quelquefois essentiellement manichéens eux-aussi – devraient-ils, en vérité, remercier ce think tank ultraconservateur pour avoir, par le minimalisme et l’étroitesse d’esprit qui caractérise ses prises de position illustrées in vivo, fait en sorte que le XXIe siècle devienne en réalité un Non-(Exclusively) American Century

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– Site du PNAC (sur lequel sont disponibles les références de publications plus récentes) : http://www.newamericancentury.org/

– La traduction des extraits du livre repris sur ce blog est libre.

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