Le nouvel impérialisme mondial américain – SLAVES NO MORE : 4/ MIT ODER OHNE PNAC ?

« Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous. Il n’y a pas de juste milieu ! » Voilà, certes résumé en un postillon plus ou moins articulé, le principe de base de la doctrine américaine vis-à-vis de l’Etranger. Exprimée de manière tantôt agressive, tantôt plus subtile, se traduisant ici et là par des coups d’Etat avortés (la baie des Cochons, à Cuba, par exemple), d’autres extraordinairement réussis (la mise à mort d’Allende et son remplacement par le ch(il)ien aux lunettes noires et au masque de fer, par exemple), des attentats et / ou assassinats divers et variés (au Pakistan, en Iran, en Belgique, en des temps pas si lointains ?), une telle conception du monde ne trahit-elle pas le peu d’assurance, l’infantilité morale et intellectuelle de ceux qui s’en réclament ? Ne constitue-t-elle pas un patent aveu d’incapacité, pour la jeune nation que sont les Etats-Unis, en termes relatifs, et une certaine catégorie de ses dirigeants en particulier, que ceux-ci officient devant les caméras ou dans l’ombre, à dépasser l’Œdipe ? Mettez à la disposition d’un enfant malaimé un arsenal militaire et paramilitaire (de renseignement), entourez-le de vizirs fourbes et obscènes, et vous obtenez… Qu’obtenez-vous, au fait ?…

Qui de Gore ou de Bushito aurait mené la présidence américaine la plus gore ? On ne le saura jamais… Y avait-il un agenda invariable ou la tragédie de 2001 était-elle destinée à une présidence, à une administration, en particulier ? Bien avant l’interminable contestation du résultat du vote en Floride, un panel d’experts conservateurs attitrés ou revendiqués, une espèce de think tank d’un genre particulier, avait coutume de se réunir aux fins d’examiner l’état du monde et les moyens dont disposaient les Etats-Unis pour le faire leur plus encore.

Regroupant notamment D. Rumsfeld, qui deviendrait ministre de la Défense sous le premier mandat du fils à, avant d’être contraint à un piteux retrait, D. Cheney, l’homme aux mille visages, tel que le définissait, dans les années 1980 déjà, Gil Scott Heron dans sa chanson “The Revolution Will Not Be Televised“, l’homme d’Halliburton, le contractant paramilitaire qui, avec Blackwater (devenu Academi l’an dernier)  et quelques autres, s’est fait des couilles en or en Irak et en Afghanistan, accessoirement vice-président (ou devrait-on écrire président faisant fonction ?), P. Wolfowitz, qui ferait, après le Pentagone, un bref passage à la Banque mondiale, dont il dut démissionner pour cause de chaussettes trouées, et une flopée de joyeux drilles tous plus compétents et souriants les uns que les autres. « Aucune morale, rien que des intérêts, des partenaires stratégiques plutôt que des alliés pour atteindre des objectifs nationalistes, si nécessaire par la force », voilà comment pourrait se résumer la philosophie conservatrice américaine du siècle dernier, qui a malheureusement éclos au début du siècle présent…

En 2000, deux penseurs de la troupe publiaient en effet un livre-événement :

… un livre dont la quatrième de couverture est sans ambages quant à ses objectifs et à ceux qu’il assigne aux Etats-Unis. La presse européenne a, dans sa majorité, accueilli ces réflexions conservatrices d’outre-Atlantique avec, pour le moins, une certaine circonspection. En voici quelques extraits particulièrement révélateurs :

« […] Durant les années 1990 […], au lieu de saisir un moment unique, les Etats-Unis se sont laissés aller à un désarmement moral et stratégique […] menant à une situation d’incertitude et de danger. […] Plus inquiétant encore est le déclin continu de la capacité militaire américaine et le refus de développer des systèmes de défense avancés. […] Les auteurs […] conviennent qu’ il est temps de se réarmer moralement, intellectuellement, ainsi que militairement. [Ce livre] invite les Etats-Unis à redéfinir qui sont ses adversaires et ses partenaires stratégiques, et à utiliser la force pour faire avancer ses intérêts et ses principes à l’étranger. [En tant que tel, il s’agit] d’une alarme réveil pour une nation complaisante. »

S’agissait-il donc, pour les USA, de s’inventer de nouveaux ennemis ?

Poursuivons notre lecture :

« Les conservateurs américains purent toujours compter sur les Européens, en particulier les conservateurs européens, pour leur apporter un soutien intellectuel afin de résister aux schémas de l’internationalisme abstrait. Toutefois, la situation actuelle se caractérise par le fait que les Européens – en ce compris maints conservateurs – courtisent souvent, pour des raisons assez  compréhensibles, les idées internationalistes. Tandis que nos alliés reconnaissent qu’ils ont besoin du pouvoir militaire américain, ils se rendent compte également que ce dernier est tellement disproportionnel au leur (ou à celui de quelque nation que ce soit) qu’il ne peut être égalé. »

(pp. 36-37)

Ouvertement cynique et d’une infinie arrogance pour ces infimes parties restantes du monde qui ne sont pas états-uniennes, le bouquin – dont, cette fois, je dois l’avouer, je n’ai lu que les bonnes feuilles (ce qui est suffisant, en l’occurrence, pour s’imprimer de son atmosphère et de ses lignes directrices, ainsi que de l’influence qu’il a pu avoir sur l’élaboration de la politique qui serait menée sous Bushito Premier) – énonce en près de cinq cent pages l’état des Etats-Unis dans le monde des années 1990, sous une présidence Clinton que ses auteurs jugent calamiteuse, et les moyens dont dispose et que ne devrait hésiter à utiliser, selon eux, leur pays pour rester – ou redevenir – number one. Vous noterez au passage que, sous les effets conjugués des coups de boutoir de la crise financière et du délai de transfert et d’application des idées entre officines spécialisées des deux côtés de l’Atlantique, l’internationalisme des Européens, en particulier celui des conservateurs, s’est depuis lors mâtiné de l’une ou l’autre réserve…

Après un chapitre intitulé « Russie, le défi d’une puissance en déclin » (Eltsine venait de passer le relais), voici ce que l’on peut lire dans la boule de Kristol (l’un des auteurs) à propos de la Chine :

« Pendant la décennie écoulée, le débat relatif à la politique étrangère des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine s’est concentré en priorité non sur la menace stratégique que fait peser la Chine sur les Etats-Unis, mais sur la répression des droits humains fondamentaux, qui un l’un des principaux outils du régime de Pékin pour demeurer au pouvoir. […] L’argument de « l’inévitable évolution » – selon lequel le commerce et les investissements des Etats-Unis favoriseront la croissance économique, laquelle, en retour, forcera a minima le régime à assouplir sa répression et, en fin de compte, à ouvrir la voie à la démocratie – est de moins en mois crédible. Ceci pour de bonnes raisons : après plus de deux décennies de croissance économique rapide, la Chine régresse aujourd’hui, elle ne progresse pas, dans le domaine des droits humains et des libertés politiques.

Pourtant, si les Etats-Unis ne peuvent pas directement faire grand-chose pour remplacer la dictature par la démocratie en Chine, nous pouvons faire énormément de choses indirectement pour saper le régime dictatorial de Pékin, et pour faire avancer des intérêts économiques et militaires américains concrets. »

(p. 69-70)

Need we write more ? « Tizza me da masta of da wol ! »

Peut-être les adversaires résolus des Etats-Unis  – quelquefois essentiellement manichéens eux-aussi – devraient-ils, en vérité, remercier ce think tank ultraconservateur pour avoir, par le minimalisme et l’étroitesse d’esprit qui caractérise ses prises de position illustrées in vivo, fait en sorte que le XXIe siècle devienne en réalité un Non-(Exclusively) American Century

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– Site du PNAC (sur lequel sont disponibles les références de publications plus récentes) : http://www.newamericancentury.org/

– La traduction des extraits du livre repris sur ce blog est libre.

Le nouvel impérialisme mondial américain – SLAVES NO MORE : 2/ les USA, une société fasciste ?

Ne nous méprenons pas : l’objet de notre critique dans cette série de posts que nous avons décidé de consacrer au néo-impérialisme américain, qui trouve sa genèse dans le présomptueux « Project for a New American Century (PNAC)», pondu par les Wolfowitz et autres Rumsfeld, de sinistre mémoire (1), peut être partagé par la majeure partie du peuple américain lui-même : comment expliquer, en effet, que des dizaines de milliards de dollars – la somme exacte est inconnue des intéressés eux-mêmes, comme nous le verrons ci-après – soient dépensées en services de renseignements de toutes sortes dont même ceux qui en ont la charge contestent l’efficacité, ceci alors que, comme vous le verrez dans le post du 19/05/12, plus particulièrement le reportage de la BBC intitulé « Poor America », de plus en plus de citoyens américains de la classe moyenne voient s’effondrer leur train de vie, certains étant même contraints de dormir sous les ponts.

La plupart des Européens ont grandi, depuis les eighties, sous une influence culturelle nord-américaine omniprésente et une soumission politique inconditionnelle à l’oncle d’outre-Atlantique. Rejeter cette influence en bloc est insensé car cela signifierait, pour eux, se défaire d’une partie d’eux-mêmes. Ce blog fourmille d’ailleurs de trailers de films hollywoodiens, et plus encore de musiques underground produites le plus souvent aux States. Que les ados du siècle dernier refusent de jeter le bébé avec l’eau du bain n’équivaut pas pour eux, contrairement à ce que nous entendons parfois, à souscrire à la vassalité politique, qui ferait partie d’un package, dans la mesure où, à l’opposé de la soupe dégénérée servie aux ados du siècle actuel, une large majorité des œuvres du XXe contenaient en elles les germes de la contestation à l’égard du système américain lui-même ! Sans doute est-il là, le génie américain !… Que l’on songe, par exemple, aux textes rageurs de Zack de La Rocha, frontman de Rage Against the Machine, qui jamais, lors de ses concerts, ne manque une occasion d’égratigner la CIA, ou encore, plus largement, à la multitude d’Américains qui se sont ralliés au mouvement Occupy Wall Street !, parmi lesquels l’organisateur du très populaire festival de rock underground Lollapalooza, Perry Farrell, par ailleurs frontman de l’excellent Jane’s Addiction…

Notre propos n’est donc pas là : seuls ceux qui ne connaissent rien aux Etats-Unis critiquent ceux-ci en bloc, dévoilant ainsi leur méconnaissance du sujet. Les Etats-Unis ne sont pas un bloc ! Il n’y a pas que les fous furieux du Tea Party aux Etats-Unis ! Les Etats-Unis, malgré le phénoménal écart qui existe entre le peuple et ses élites, qui rend la prise de décision souvent encore plus opaque que chez nous et explique pour partie le taux d’abstention record lors de la plupart des élections, ainsi que la quasi-mainmise de lobbies affairistes sur le Congrès – comme c’est encore le cas en ce qui concerne les minables tentatives de repeal, c’est-à-dire de retrait, de la loi qu’Obama, lorsqu’il avait les coudées plus franches, avait courageusement fait voter pour permettre à tous, y compris aux plus démunis, l’accès aux soins de santé – sont indéniablement une belle et grande démocratie, en tout cas au sens inachevé et très, très perfectible où nous l’entendons aujourd’hui…

Stricto sensu, parler de fascisme américain, a fortiori de nouveau fascisme américain, n’a donc aucun sens, les USA n’ayant jamais jusqu’à présent, à l’exception peut-être de l’ère Bush Jr., traversé de période fasciste. Toutefois, ce sur quoi nous tentons dans cette série d’attirer l’attention, ce sont les dérives antidémocratiques que permet, voire favorise, précisément un tel libéralisme politique, dans lequel un chat ne retrouverait plus ses petits.

Soyons lucides : le président américain, et avec lui le Congrès, sont loin de contrôler tout. Certes, conformes à leur impérialisme prétendument émancipateur, en dépit de ce que l’on continue d’enseigner contre toute évidence à de nombreux petits élèves américains, et fidèles, en outre, à leur mentalité de pseudo-porte-étendard de la liberté mondiale, qui résultent bel et bien d’une direction et de choix politiques, les Etats-Unis sont tout sauf les enfants de chœur dont ils ne résistent pas de se parer, de temps à autre, des atours. Mais au-delà de cette arrogante tentation de faire tourner le monde à eux seuls, un danger – peut-être plus important encore – guette, un danger auquel le peuple américain lui-même est exposé en première ligne, et qui est consubstantiel au libéralisme politique du pays (2), à son anti-jacobinisme, à son anti-centralisation (laquelle se marque par le grand pouvoir, justifié historiquement, qui est dévolu aux Etats qui composent l’Union), c’est le morcellement du pouvoir, la possibilité pour l’un ou l’autre groupe donné, pour tel ou tel groupement phalangiste, pour d’obscurs adorateurs de divinités païennes ou ultra-chrétiennes par exemple, de contrecarrer, fût-ce, le cas échéant, sous couvert de l’alibi de la « plausible deniability » (3), l’autorité des pouvoirs constitués afin de mettre en œuvre un agenda politique et / ou financier qui leur est propre et ainsi, peut-être, poser les bases d’une société beaucoup moins libre qui pourrait, à terme, s’approcher du totalitarisme.

A cet égard, le document qui suit, un reportage de l’émission « Frontline », de la très professionnelle chaîne publique américaine PBS, est édifiant à plus d’un titre. Consacrée à l’entrelacs d’agences de renseignement qui ont poussé comme des champignons depuis les attentats de 2001, l’enquête révèle en effet, outre l’obsession du fichage qui caractérise désormais les USA (et pas eux uniquement !), une évolution des plus inquiétantes, une faille béante en fait, dans le réseau de protection national américain, à telle enseigne qu’elle pourrait, pour un esprit mal tourné, être à l’origine d’éventuelles vulnérabilités, de possibles attentats futurs sur le sol américain.

En guise d’illustration, voici quelques propos significatifs de hauts responsables américains du renseignement qui tous avouent très cyniquement être complètement dépassés par la machine mise en branle sous Bushito

L e documentaire est disponible en fin de post. Enjoy, if you can !

Michael Hayden, Ancien directeur de la NSA et de la CIA et Général 4 étoiles e.r . :

« Je ne pourrais raisonnablement prétendre savoir tout ce qui s’y passe. Je pense que quelqu’un a dit que seul Dieu connaissait tous les programmes spéciaux. Je pense que c’est vrai. Est-ce une bonne chose ? Probablement pas. Est-il possible de l’éviter ? Probablement pas.

[…]

J’ai été au service du gouvernement [américain] pendant quarante ans, principalement dans le renseignement. Jamais je ne vous affirmerais que j’en connaissais toutes les entités. » (4)

Thomas Kean, Président de la commission du Congrès américain consacrée aux attentats du 11/09/01

« Le Congrès n’assume pas sa tâche de supervision, et il admet lui-même ce dysfonctionnement. Dès lors, qui prend les décisions et où se prennent-elles ? Elles le sont dans les 17 différentes agences de renseignement, et personne n’en assure la coordination. Par conséquent, le gonflement des budgets est inévitable, au même titre que les redondances. » (4)

_______

(1) Souvenez-vous, il s’agit de ce sale personnage hautain, à l’appartenance au KKK (ou à ses succédanés) présumée, qui avait eu l’outrecuidance de s’adresser sur un ton menaçant au Parlement européen comme à une troupe de cirque, à l’aube de l’aventure irakienne… Le PNAC, quant à lui, visait tout aussi présomptueusement à assurer la domination séculaire des Etats-Unis sur le monde.

(2) Ce libéralisme est cependant battu en brèche par la constitution d’une administration du renseignement pléthorique : le reportage qui suit révèle en effet que 800.000 employés américains disposent d’une higher security clearance, c’est-à-dire d’un accès à des renseignements privilégiés.

(3) Souvent utilisée par les auteurs de scénarios hollywoodiens, cette ficelle permet à des groupes, militaires ou autres, de mener des actions spécifiques de manière covert, c’est-à-dire officieuse, parfois sans même que les élus en aient eu vent au préalable, donc sans même qu’ils n’aient eu à donner leur aval.

(4) Traduction libre

WAKE UP !!! Rupert Murdoch n’est que l’épicentre d’un gigantesque voyeurisme médiatique international organisé !

Avant nous, d’autres ont entrepris, avec plus ou moins de succès, de dévoiler le dessous des cartes de la gigantesque tromperie médiatique. Ne vous méprenez pas : il ne s’agit aucunement d’un complot, au sens où l’entendent certains, mais d’une organisation antisociale effrontée et méthodique.

Récemment, quelque commentateur avisé – il en reste une poignée – expliquait à la télé que la fin d’un régime se marquait toujours par le fait de livrer en pâture  ses figures les plus emblématiques au Moloch populaire : la bête, que l’on a savamment mise au pain sec et à l’eau, a faim, voyez-vous, et il faut la nourrir ! Car la bête est entretenue, nul ne cherche à l’assagir, encore moins à l’affranchir, dans la mesure où elle joue un rôle prédéfini dans la spirale qui mène la Majestueuse Civilisation Occidentale au néant blanc ! Comme jadis, certains prêtres roublards des civilisations préchrétiennes sacrifiaient tantôt un animal, tantôt un membre innocent de la communauté (le plus jeune homme, parfois) sur l’autel improbable de la temporaire satisfaction de l’appétit céleste, en réalité pour asseoir leur autorité perverse – des offrandes auxquelles, à en croire un texte fondamental, Dieu a mis un terme définitif – nos prêtres cathodiques contemporains ont besoin de lyncher de temps à autre un membre éminent des leurs. Mais, ajoutait l’analyste, une telle offrande marque uniquement un passage de témoin dans les hautes sphères. La nouvelle garde souhaite se débarrasser de l’ancienne. Cette dernière se trouve dès lors absolument vilipendée par les masses poussées à bout, tandis que la première peut asseoir dans l’ombre son autorité nouvelle.

Le commentateur dont question évoquait-il des dictatures tropicales ? Que non : c’est du cas Murdoch qu’il était question ! Murdoch, ce magnat international de la presse, aujourd’hui passablement en déclin, qui faisait chanter tout l’appareil politique anglo-saxon, britannique en particulier, s’est fait trucider pour quelques écoutes téléphoniques, dont certaines, qui visaient l’entourage d’une jeune fille kidnappée et assassinée, étaient proprement diaboliques.

Ainsi, comme si la pièce de théâtre s’était déroulée au milieu du XXe siècle, quelques dizaines d’années après l’invention du téléphone par Bell, ses metteurs en scène ont tenté de faire croire à l’opinion publique qu’une technologie complètement obsolète – les écoutes téléphoniques – étaient à l’origine du scandale. A l’époque d’Echelon, ce gigantesque réseau de surveillance et d’interception de données de toutes sortes, militaires mais aussi civiles (privées et professionnelles), à l’époque de la surveillance constante et tous azimuts d’individus par des satellites militaires et commerciaux – le cocaïné Branson se vantait encore récemment de la « privatisation de l’espace » ! – capables de zoomer jusqu’au dixième de centimètre, même en oblique depuis une dizaine d’années – il s’agissait de rassurer le citoyen lambda sur le semblant de vie privée qu’il lui reste. Or, comme le citoyen lambda est lassé après la dure journée de labeur que d’autres metteurs en scène lui imposent, obnubilé par les factures à payer à la fin du mois, son conjoint (sa conjointe) qui lui tape sur les nerfs et la bouffe à procurer à ses gosses, il ne réfléchit pas plus loin. Comme pour clore ce cercle imparfait, cette caverne néoplatonicienne éternelle, c’est aux mêmes médias qu’il s’en remet pour libérer son semblant de conscience de ses tracas quotidiens. « La télé, c’est tout ce qu’il me reste… » Combien de fois n’a-t-on entendu, dans les couches populaires, cet aveu d’abandon qui résonne comme une gifle pour le(s) convive(s) d’un soir ?

S’il réfléchissait davantage, l’électeur-esclave se poserait toutefois des questions hautement dérangeantes, l’ironie consistant dans les quelques clés de compréhension qui lui sont délivrées par une frange du spectacle américain scénarisé : comment se fait-il, par exemple, que dans une société de surveillance permanente et de fichage généralisé, un tueur sanguinaire comme Breivik ait pu passer à l’acte ? Qui l’a laissé faire ?

La consanguinité intellectuelle des médias est établie : le droit de cuissage y est la règle, y compris au cinéma. Tout ce petit monde se baise allègrement au propre pour baiser ensuite le public dans son ensemble au figuré. Ceux qui tentent vainement d’apporter quelque clarté aux débats renoncent bien vite devant l’énorme appareil de désinformation auquel ils font face : d’une certaine manière, les médias occidentaux (certains plus que d’autres) sont les gardiens d’un temple en voie d’effondrement. Ils considèrent, à juste titre, qu’il convient de circonscrire la parole médiatique à ceux qui respectent certaines règles démocratiques (ne pas appeler à la haine, par exemple), mais parallèlement, comme dans n’importe quel régime autoritaire, ils défendent le pouvoir en place. Pourquoi le siège de la télévision nationale est-il systématiquement, lors de toute révolte ou révolution, l’un des premiers lieux de pouvoir à être pris d’assaut ? Le pouvoir de broadcaster, quoique réduit par l’influence d’internet, est énorme : c’est la faculté de délivrer une vérité publique, même noyée sous les oripeaux du multipartisme, que des millions d’individus feront leur. C’est le formatage du « temps de cerveau disponible ».

Or, s’il est aisément compréhensible que des insurgés, dans tel ou tel pays plus exotique aux yeux des occidentaux, bouillent de renverser la voix de leur maître, tant la démocratie est pour eux un horizon, pourquoi semble-t-il si malaisé de faire passer dans les médias occidentaux quelque idée iconoclaste que ce soit ? Nous avons notre réponse : pas plus qu’ailleurs, les détenteurs autoproclamés et cooptés de notre pouvoir, à l’opacité avérée lui aussi, ne souhaitent-ils voir disparaître leurs prérogatives. Mais, au-delà de ce souci, commun à tout groupe influent, trône la conviction bien ancrée que notre système est le meilleur et, par conséquent, qu’il est fini, donc imperfectible puisque parfait !

Il est tellement parfait, d’ailleurs, ce système, qu’il entretient en permanence, ici plus que là, la nécessité de se fondre dans le moule crasseux de l’abandon total de soi et des autres au profit de la logique mathématique : les idoles de pacotille sont vénérées non pour leur créativité, mais pour le fric qu’elles génèrent et empochent. Les couches populaires sont piétinées en permanence par l’arrogance médiatique et le seul salut réservé à tel ou tel populo qui se distinguerait des autres est de souscrire indistinctement à cette logique socialement suicidaire ! La mélancolie du Tout est noyée dans un bain brunâtre de pisse, de rires forcés, de foutre, de touzes, de coke, de merde, de domination et de mépris dont plus rien ne distingue les éléments, alors que, dans l’indifférence suscitée, crèvent dans la rue les rebuts de la société.

Prenez Omar et Fred, par exemple, ces deux boursouflures médiatiques qui gagnent des ponts en abreuvant leurs spectateurs de prive jokes en boucle et de pitreries prépubères. Sympa, le homard, pourtant ? Oh oui, très sympa : intouchable, vecteur d’une meilleure compréhension interculturelle dans son dernier film, il nourrit pour ainsi dire toute sa vaste famille. C’est un héros ! Vraiment ? Et que leur apprend-il, à ses petits frères et sœurs et à tous les autres gosses ? Quel modèle de société véhicule-t-il ? Quelles perspectives leur offre-t-il à terme ? Ah, mais j’oubliais : les vaches sacrées, ça ne se critique pas !

Prenez Denisot, cette clette bourrée de fric qui, toujours et à toute occasion, s’efforce de demeurer superficiel, interroge toujours à côté de la plaque et en focalisant sur la personne plutôt que sur les enjeux ou les objectifs. Prenez Massenet, cette blondasse écervelée qui se la joue. Prenez Ardisson, le prince de la nuit sur le retour à la déco kitsch et criarde, qui essaie, qui essaie en s’y croyant à fond lui aussi, mais qui jamais ne dépassera le niveau de son nombril. Songez au cercle de plus en plus restreint de célébrités qui, elliptiquement, nous abreuvent de ce qu’il faut penser. MAIS QUI SONT CES GENS, BON DIEU ?

Des suppôts du pouvoir, de la servitude, du néant, qui, par leur gouaille, contribuent à rendre impossible tout mouvement, toute évolution, à lisser les profils, à faire croire que tout se vaut, à décérébrer, tel un Barthès et ses séquences de quelques secondes destinées à brouiller les esprits, à glorifier le bling et le fake, bref à maintenir le populo dans le gigantesque bain dont référence ci-dessus.

Récemment, le président Chavez s’interrogeait publiquement sur les pouvoirs réels des puissances occidentales : il trouvait curieux que l’ensemble des dirigeants sud-américains de gauche aient tous été soudainement frappés par le sale C. Récemment, Ahmadinejad clamait que l’Europe disposait d’un outil satellitaire destiné à influencer, voire contrôler, les masses nuageuses. Quelques dizaines d’années après Reagan et sa guerre des étoiles et, dans la foulée, Bush Sr. et son « new world order », que de sottes superstitions, en effet, auxquels les médias occidentaux libres ont bien fait de n’accorder aucun intérêt…

« Service après-vente, bonsoir ! » …

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